Gestion lacunaire et révocation du mandat de protection future
Un mandataire gérant mal les intérêts patrimoniaux du mandant peut-il être révoqué dans le contrat de mandat de protection future ?
Mandat de protection future : révocation pour gestion lacunaire
Un mandat de protection future peut-il être révoqué si son mandataire ne gère pas correctement ses obligations ? Telle était la question posée récemment à la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 17 avril 2019. Qu’en est-il de la possibilité de révocation d’un mandat de protection future en cours et que pouvons-nous en comprendre ?
Respect des prévisions du mandant et révocation du mandat de protection future
Le 17 avril 2019, la Cour de cassation s’est à nouveau positionnée sur le rôle du mandat de protection future et sur l’importance du respect des prévisions du mandant.
En l’espèce, un homme avait confié à son épouse un mandat de protection future. A la suite d’un retard dans la transmission de l’inventaire des biens, d’ailleurs considéré comme incomplet, plusieurs comptes rendus lacunaires sur les comptes bancaires, une imprécision sur les comptes de gestion et un redressement fiscal, la fille du mandant a saisi le juge des tutelles. Cette dernière mettait en évidence le fait que les intérêts patrimoniaux de son père étaient fortement compromis par l’exécution de ce mandat de protection future, d’où une demande d’ouverture de protection judiciaire.
En la matière, l’article 483,4° du Code civil prévoit les cas de révocation du mandat de protection future par le juge des tutelles. Cette dernière peut ainsi être prononcée s’il apparaît que le mandat porte atteinte de manière réelle aux intérêts patrimoniaux du mandant.
Ainsi, la loi prévoit que si le juge révoque le mandat de protection future, il peut décider d’ouvrir une mesure de protection judiciaire.
Or, en l’espèce, tous les éléments concordaient dans le sens d’une mauvaise gestion du patrimoine du mandant, notamment du fait du redressement fiscal à l’ISF, sans oublier le fait que certains revenus financiers et divers mouvements de comptes n’étaient pas clairement exposés ni justifiés. Tous ces éléments, placés bout à bout, témoignent du fait que les intérêts patrimoniaux n’ont pas été correctement préservés dans l’intérêt du mandant. Le juge a donc décidé de faire droit à la demande de la requérante en mettant fin au mandat de protection future tout en ouvrant concomitamment une mesure de curatelle renforcée.
Qu’en est-il des pouvoirs du mandataire dans le cadre du régime matrimonial ?
Si cet arrêt vient rappeler l’importance du mandat de protection future, la question de l’impact du régime matrimonial sur le pouvoir du mandataire n’est pas abordée directement. En effet, en l’espèce le mandataire était le conjoint du mandant, les deux époux étant unis sous un régime séparatiste.
Quelle aurait été l’issue de cette action si les deux époux étaient mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts ? En effet, dans ce type de régime, le mandataire détient des pouvoirs de gestion des biens communs directement issus du régime matrimonial. Ce constat émousse quelque peu les motifs retenus par l’arrêt en ce que le mandataire, en gérant la communauté, gère aussi les biens. Ainsi, s’il y avait effectivement eu une défaillance du mandataire dans la gestion des biens, le fait de révoquer le mandat de protection future n’aurait pas suffi à protéger le mandant. Il aurait plutôt été nécessaire dans ce cas de prendre des mesures de sauvegarde des intérêts du conjoint dans le cadre du régime de communauté.